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Dominique Faure
le 26 avril 2020, en confinement au Luxembourg.
Expérience du passage du test Covid 19 au Luxembourg : quelques impressions
(sujet d’actualité !)
Introduction :
Je réside au Luxembourg, avec mon mari, luxembourgeois, depuis 20 ans, partageant mon temps entre le Luxembourg, Paris où je suis née et où j’ai passé les 45 premières années de ma vie et l’Auvergne dont ma famille est originaire. Je vais vous relater l’expérience que j’ai faite, ce matin, dans un des centres du dépistage du Covid 19 au Luxembourg, avec quelques notations sur le Luxembourg pour les non Luxembourgeois et dans le cadre de la découverte des voisins européens…
Récit :
Au Luxembourg, il y a 4 centres de dépistage… La chance, c’est qu’il y en a un dans la ville d’à côté, à 4 km (sinon, je n’aurais sûrement pas fait 50 km pour me faire prélever !) où deux tentes ont été montées près du Centre culturel (pour la « culture » en général, pas celle particulièrement du virus). Une chance donc.
Une très grande chance aussi pour le personnel désigné à cette tâche, au nombre de 13, qui n’avait pas vu un seul « client » depuis l’ouverture ce matin et qui s’ennuyait énormément. J’étais une aubaine, une distraction !
Ici, au cœur du récit, j’emploierais bien le passé simple, qui serait de rigueur, mais pour nos éventuels lecteurs non francophones, je vais m’en tenir au… présent de narration. Les puristes me pardonneront !
Après avoir laissé ma voiture au parking, je me présente auprès de la première tente, avec précaution (distances obligent !). Un homme portant l’uniforme de la Force publique (donc un flic), très aimable au demeurant, m’invite à poursuivre mon chemin ailleurs, derrière le centre culturel où l’autre tente était à disposition. Je précise que tout le monde, ici au Luxembourg, parle parfaitement le français, quelle que soit son origine linguistique (car il y a beaucoup beaucoup beaucoup de « non Luxembourgeois », surtout dans le domaine médical.)
Il n’y avait pas un chat, à part ce monsieur de la police. L’autre tente semblait a priori déserte mais, une fois franchis les poteaux indicateurs d’itinéraire et le labyrinthe de sens uniques et interdits, je trouve enfin deux personnes à l’accueil. Je dis « personnes » car, en raison du masque et avant que les gens ne s’expriment, il est parfois difficile de leur attribuer un genre…
On me demande d’enlever mes gants de plastique (ils iront peut-être dans la mer, avec un peu de chance) et de me désinfecter les mains avec une très grosse dose, bien gluante et poisseuse, de gel « hydro alcoolique ». J’avais évidemment mon masque sur le visage. On prend ma température par l’oreille, si je peux dire. pour constater que je n’en ai pas. Puis on me fait signe de me diriger vers un « bureau » où pas moins de 2 personnes, derrière une vitre, sont seulement investies de la tâche, importante certes, d’écrire sur un formulaire ce que dit ma carte de santé (on parlerait en France de « carte vitale »), du point de vue, assez restreint en soi, du nom, de l’adresse et du contact téléphonique.
Puis j’ai attendu un certain temps dans une autre partie de la tente, avec pour entourage 5 personnes. On me badigeonne encore les paumes de la main avec le liquide désinfectant gluant (on en a ici à foison !) puis on m’observe… Le personnel doit, peut-être, à l’occasion d’hypothétiques « patients », faire des paris sur l’âge des candidats. Enfin, ce serait en tous cas une occupation comme une autre, à même de justifier mon « temps d’attente ».
L’un des 5 me demande ensuite de le suivre dans une petite pièce, de m’asseoir à bon éloignement, et de répondre à ses questions, ce qu’il reporte sur un autre formulaire (non non, on n’est pas dans Astérix aux jeux olympiques !) tout cela est normal. Y compris pour les statistiques. C’était un infirmier bien portant… enfin, « bien portant » je ne sais pas, mais bien gros, c’est sûr ! Il demande mon âge (que, paraît-il, je ne « fais pas », surtout avec le masque sur le bas du visage, qui est le plus « abîmé » par la charge des ans). 67, lui dis-je. « Pardon ? » répond-il, dubitatif… Je répète. Il doute encore, soit de mon habileté à manœuvrer en français avec l’extrême complication du chiffrage, soit de la sienne ? Enfin, il note quand même les 67 annoncés, me demande si je suis à la retraite (par conséquent) et toutes sortes de questions sur les symptômes que je crois avoir et qui motivent mon heureux déplacement dans ce local déserté par la clientèle. Puis il m’invite à aller dans la petite pièce d’à côté où m’attend avec un certain plaisir (je suis un « sujet à distraction ») un jeune médecin chinois sur le visage dissimulé duquel je peux clairement lire un plissage de contentement et de sourire dans ses yeux bridés. Non, on ne se méfie plus des Chinois ici au Luxembourg, les frontières sont fermées depuis beau temps !
Je m’assois encore, à bonne distance, et nouvel interrogatoire, fort aimable, dans un français remarquable. On notera, pour la « culture européenne » que les personnes d’origine étrangère, ici au Luxembourg, parlent non seulement couramment dans leur langue maternelle (ça c’est plutôt courant, en effet) mais encore en luxembourgeois – qui est une langue à part entière bien qu’entièrement à part – en allemand, en français, en anglais, et parfois même un peu en… portugais vu la considérable communauté portugaise qui réside dans ce pays béni (salaires potentiellement meilleurs qu’au Portugal…) Nous avons même eu un ministre portugais, lequel aurait été réélu s’il n’avait pas souffert d’une grave maladie cardiaque.
Je profite de cette allusion à la bonne marche de mon pays d'accueil (et très accueillant) pour vous donner une info instructive sur un des aspects politico-anecdotiques au Luxembourg :
Notre premier ministre – équivalent, pratiquement, au Président de la république en France du point de vue du pouvoir, le Grand Duc (pas l’oiseau, le Grand Monsieur) n’ayant pas plus de portée que celle de la Reine d’Angleterre – notre premier ministre donc, qu’on appelle tout simplement « Le Premier » (et qui s’appelle Xavier Bettel) est un homme jeune, plutôt beau et bien fait de sa personne, que nous avons rencontré lors d’une balade en ville et qui nous a gratifié d’une grand sourire amical… bref, cet homme exquis – et paraît-il très capable – est marié… à un homme. Cela ne poserait en soi aucun problème sous nos latitudes, encore que, en réunion dans des pays étrangers, ce mari tranche un peu parmi le groupe des « premières dames ». C’est donc, en l’occurrence, un « premier homme », marié au « Premier » du pays. Ce « premier du pays » a d’ailleurs fait montre de grand courage lorsque, dans un pays arabe, il a déclaré publiquement que, dans cette contrée, il serait « condamné à la peine de mort » (sic). Il n’est pas sûr que, à travers le monde, il y en ait « deux » comme notre « Premier », ni « deux » comme notre « premier du Premier » !
Mais revenons au test. A la fin de son questionnaire, l’homme de science me dit que l’âge ne fait pas grand-chose à l’affaire car moins de 80 ans ne compte pas trop si l’on a une vie saine, pas de maladie chronique, et qu’on ne prend pas inconsidérément des médicaments (enfin, il ne l’a pas dit comme cela mais je l’ai bien compris!). Je fais donc partie de la cohorte de clients qui ne va pas crever dans les 15 jours qui suivent. De toute façon, ici, dans ce pays béni disais-je, nous avons pléthoriquement des chambres d’hôpital, des masques, des respirateurs, une tente immense dans la capitale, montée spécialement en hôpital et absolument déserte, enfin tout ce qu’il faut pour qu’on me réanime si besoin… (gite "hospitalier", dans les deux sens du terme, machines et accessoires ainsi que le personnel qui va avec, précisons-le, dont les Luxembourgeois font bénéficier leurs voisins européens immédiats moins bien lotis, c'est-à-dire ceux qui se trouvent aux confins du pays, déconfinés pour le temps du voyage! C'est tout à leur honneur!)
Donc, qu’on se le dise, 67 ans et une vie saine, on ne craint rien.
Le médecin est quand même content que je me présente pour le test, notamment pour l’animation. Et pour parfaire son examen et utiliser son temps de travail avec un objectif purement médical, il ausculte mes poumons qu’il trouve en bon état malgré 23 ans de tabagisme à un paquet et demi par jour mais arrêté drastiquement, également, depuis 23 ans. Qu’on se le dise ! Il n’y a plus aucune trace de nicotine sur les radios de l’an passé !
Après quoi il me fait une ordonnance pour aller faire le test dans la première tente près du parking, me fait passer devant un autre bureau de réception (le sens unique interdisant de faire marche arrière) où un autre jeune homme encore plus chinois du regard lui tend une feuille de consigne pour éventuel confinement total (si virus), feuille qu’il a ajoutée aux siennes à destination de la tente-infirmerie où je me rends aussitôt.
Un autre représentant de la maréchaussée (le précédent était peut-être en pause ?) m’accueille et me dirige à l’intérieur de la tente où, une fois n’est pas coutume, une infirmière doit s’occuper de mon test sans parler un mot de français ni d’anglais. Mon allemand dans le domaine médical n’est pas des plus mauvais (comme les mots sont les mêmes dans pratiquement toutes les langues, européennes en tous cas !) mais ça n’allait pas jusque-là ! Le prélèvement en soi, au moyen d’un bâton long comme une perche muni d’un bout de coton au bout, est assez désagréable car il faut aller loin dans les fosses nasales… et des deux côtés, pour être sûr du résultat, lequel me sera envoyé le lendemain par texto.
En sortant, je n’ai pas aperçu âme qui vive en dehors du personnel affecté au test… Il était 11 h et des poussières.
Je précise enfin que la visite médicale suivie du test est entièrement gratuite.
Vu la fréquentation du centre de dépistage d’où je viens, j’entends dire à l’instant qu’il est question qu’il ferme ces prochains jours… Ouf ! Il était temps que je m’y rende !
Pour vous distraire – et, éventuellement, proposer quelques exercices sympathiques à vos apprenants – voici des extraits d’un roman humoristique mettant en scène Maxime Terrier, dit « P’Tite Tête », jeune et maladroit apprenti dans l’art de la cambriole.
L’auteure nous amuse avec délectation des petits défauts et des bizarreries de ses personnages, dans un pétillement de bons mots et un festival de situations cocasses… et lit les extraits.
Chaque extrait, de quelques pages, est suivi d’un petit exercice… de style !
Extraits disponibles :
L’arrivée d’Archibald Fichier texte – Fichier audio |
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Là où un brave toutou entre en jeu… Fichier texte – Fichier audio |
EXERCICE !
On pourrait proposer à des élèves qui ont une certaine habitude de lire des classiques, de trouver dans ces 3 chapitres les erreurs de langage qui font un peu pétiller la langue française…
On trouvera ci-dessous des indices et, à la suite, les réponses (en somme le « corrigé ») ! On considérera que le mot « partie » utilisé dans les « Aides » se réfère aux différentes parties des chapitres séparées par une ligne vide (les chapitres se scindent, généralement, en 3 ou 4 parties).
(et, accessoirement, du narrateur lorsque sont
fidèlement rapportées les pensées du personnage)
!
1. INDICES
1. Chapitre 16. Indice : Un mot pris pour un autre puis une expression avec un mot pris pour un autre se trouvent dans la dernière partie…
2. Chapitre 17. Indice : Deux expressions détournées dans la troisième partie…
3. Chapitre 17. Indice : Une expression bizarre dans la quatrième partie…
4. Chapitre 18. Indice : Un mot pris pour un autre se trouve dans la première partie…
5. Chapitre 18. Indice : Deux anomalies se trouvent dans la deuxième partie, dont un mot pris pour un autre dans une expression…
6. Chapitre 18. Indice : Un mot pris pour un autre dans une expression se trouve dans la dernière partie…
2. REPONSES
1. Chapitre 16. Indice : Un mot pris pour un autre puis une expression avec un mot pris pour un autre se trouvent dans la dernière partie…
Réponses :
- tâtonnant pour tatillon (ce n’est pas très loin, finalement…)
- âne battu pour âne bâté (l’âne bâté pouvant aussi être battu)
2. Chapitre 17. Indice : Deux expressions détournées dans la troisième partie…
Réponses :
- le vent en croupe pour le vent en poupe. Pour un bateau, la poupe convient mieux mais pour un chien… ?
- sans demander si son compte était bon pour sans demander son compte (et c’est probable que le compte n’était pas trop bon pour lui… voire aussi : son compte est bon !)
3. Chapitre 17. Indice : Une expression bizarre dans la quatrième partie…
- disparaître comme un cafard dans une latte de bois… expression qui n’existe pas, du moins pas encore (mais ça pourrait !)
4. Chapitre 18. Indice : Un mot pris pour un autre se trouve dans la première partie…
Réponse :
- accessoires complets de rasage et de toilettage… toilette serait plus adapté car on parle de toilettage pour un animal (de compagnie). Encore que, vu le personnage…
5. Chapitre 18. Indice : Deux anomalies se trouvent dans la deuxième partie, dont un mot pris pour un autre dans une expression…
Réponses :
- style Napoléon de l'époque pour d’époque… on devrait dire d’époque si le lit datait en effet de l’époque en question. Dans l’esprit de P’Tite Tête, l’époque en question n’est pas vraiment déterminée.
- dormait comme une marmite pour dormait comme une marmotte, c’est-à-dire très profondément. Cependant, la marmite se réfère aux ronflements sonores et aux sifflements de cocotte-minute que l’intrus donnait à entendre.
6. Chapitre 18. Indice : Un mot pris pour un autre dans une expression se trouve dans la dernière partie…
Réponse :
- qui finiraient bien par passer aperçues pour passer inaperçues. L’expression – on ne sait pourquoi – est toujours à la forme négative (ne pas passer aperçu, donc inaperçu). Il serait temps de redonner à l’expression toute sa portée dans les deux formes, non ?
Les mésaventures de P’Tite Tête : L’arrivée d’Archibald
Mots difficiles et explications
Un des éléments du ressort comique de ces extraits est la différence dans les niveaux de langue qui se côtoient, entre familier (à très familier) et recherché, voire pompeux, selon les circonstances… et les personnages qui s’expriment, évidemment ! Certains termes n’étant pas très courants, ou même un peu vieillis, on trouvera ci-dessous quelques explications.
Chapitre 16
Exempte de tout soupçon de poussière : sans la moindre trace.
Les planchers les plus lustrés : brillants, bien astiqués.
La gente ancillaire de la maison : expression ancienne pour désigner le personnel de service, les domestiques.
Instamment : sur le champ, immédiatement.
Jerk : dans assez agitée pratiquée dans les discothèques dans les années 1960-1970.
Le manteau de la cheminée : partie qui se trouve vers l’avant d’une cheminée, au-dessus de l’âtre (« âtre » : là où l’on fait le feu), parfois surmontée d’un grand miroir.
Miroir du trumeau : grand panneau sur le mur au-dessus d’une cheminée. Il s’agit souvent d’un miroir ou d’une peinture, dans les immeubles très anciens, les châteaux..
L'huis principal : L’« Huis » est la porte principale d’une maison, Mot un peu vieux aujourd’hui qu’on retrouve cependant dans l’expression : « à huis clos », c’est-à-dire toute porte fermée, c’est-à-dire… secrètement, sans public.
Un tantinet : un petit peu
Narquois : moqueur avec un soupçon d’ironie…
Se patiner : verbe familier voulant dire « se dépêcher » (allusion ici aux patins du salon)
L'hôte : l’invité
Alertement : avec souplesse et rapidité
Foisonnant : touffu, abondant
Affable : aimable, accueillant
Susurrer : parler bas, doucement, avec des intonations sifflantes
Allégrement : avec allégresse, c’est-à-dire gaîté.
Chapitre 17
Les bruits dénotaient : faisaient comprendre
La salle d'eau attenante à la chambre : juste à côté, de l’autre côté du mur. On peut dire aussi « mitoyen, mitoyenne »
Méticuleux : qui aime faire les choses parfaitement bien.
Ablutions : mot un peu ancien qui désigne la toilette (faire ses ablutions : faire sa toilette)
Le Clodo s'ébrouait : il se secouait pour ôter l’eau qu’il avait sur son pelage
Empester : sentir très très mauvais !
Rubicond : très rouge
Aller quérir : aller chercher
Bourde : erreur grossière, aux conséquences… ennuyeuses !
Numéroter ses abattis : compter ses bras et ses jambes pour voir si le compte est toujours bon et donc s’il n’y a pas trop de dégâts !
Penaud : honteux à la suite d’un problème ou déconcerté, ne sachant pas quoi faire. On dit parfois : « être tout penaud ».
Conjointement : en même temps
Congratulations : salutations cérémonieuses voire enthousiastes
Impétueux : rapidement irrité voire violent dans son comportement
Furax : familier pour dire « furieux ».
Instant crucial : instant très important, qui déterminera l’avenir…
Chapitre 18
cahin-caha : avec difficulté pour la marche, en se bousculant un peu.
L'envolée des marches : le milieu de l’étage, qui probablement ici tourne un peu.
Tonitruant : dit très fort, crié avec une certaine violence.
Séance tenante : sans attendre une seconde !
Un rictus : une grimace
Edifiant : évident et particulièrement instructif (mais c’est ironique !)
Jonchée : couverte ou recouverte.
Nauséabonds relents : traces d’une mauvaise odeur qui persiste (nauséabond : qui donnerait la nausée tant l’odeur est répugnante)
Pornographique : qui se rapporte au sexe (les couvertures montraient sans doute des personnes nues)
Mécréant : qui n’adhère pas à une religion considérée comme vraie (mé-créant : qui ne croit pas). Par extension : bandit, être malfaisant, irrespectueux.
Capharnaüm : grand désordre de toutes sortes de choses très différentes.
Déplorable individu : individu très critiquable.
Vautré : couché de façon avachie, affalé de tout son long.
Batracien : de la famille des crapauds et des grenouilles.
Offensé : très vexé
La missive : mot un peu ancien pour désigner une lettre, un courrier.
Personne ne s'enquit : personne ne chercha à savoir ni ne demanda. Verbe « s’enquérir ».
Céans : ici même.
Des conciliabules : conversation où l’on chuchote pour éviter de se faire entendre de l’entourage.
Une petite piaule : une petite chambre, très modeste (familier)
Les affaires dudit : les affaires de ce dernier, de celui-ci (la dernière personne dont il a été question précédemment)
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Texte (extraits) : Dominique Sadri-Faure, Mésaventures d’un cambrioleur détective (Edition Le Manuscrit)
Illustrations : Catherine Beaumont
Les mésaventures de P’Tite Tête :
L’arrivée d’ArchibaldA mi-chemin entre le style BD et le texte littéraire, Mésaventures d’un cambrioleur détective est un roman humoristique qui met en scène Maxime Terrier – dit P’tite Tête - jeune homme candide, maladroit et attachant, assorti d’un sympathique chien des rues, « Le Clodo ». A eux deux, ils vivront des aventures désopilantes chez une extravagante duchesse et seront confrontés à une étrange énigme policière, dans un déluge de mots pris pour d’autres et d’expressions détournées du langage populaire. Tous les extraits proposés sont lus par l'auteure.
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Voici un extrait des mésaventures de P’Tite Tête, lequel vient d’être engagé malgré lui comme valet de pied dans la demeure parisienne du Duc de Grospoix, riche négociant en mélasse. Pour l’heure, on attend un invité, Archibald Simson, un Anglais, associé de monsieur le Duc…
L'extrait est accompagné d'un exercice... de style (avec indices) ainsi que d'une liste des mots difficiles avec des explications.
Ci-dessous, une illustration des protagonistes de l’extrait.
Maxime Terrierdit
« P’Tite Tête »
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Estelle de Gropoix
Duchesse (par alliance)
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Monsieur le duc de Gropoix
Homme… d’affaires ( ?)
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Archibald Simpson Associé de monsieur le Duc |
Guy La Grufferie Cousin d’Estelle |
Elodie Nièce d’Estelle |
Texte lu par l'auteure
Chapitre 16
Une arrivée intempestive
Dans l'après-midi, P'tite Tête se trouva bien embarrassé: il était seul dans la maison et redoutait l'arrivée de l'Anglais. Bien sûr, tout le monde avait veillé à ce que la chambre qu'on lui réservait - la plus belle des deux chambres d'amis, l'autre ayant été attribué à Elodie - fut particulièrement reluisante, exempte de tout soupçon de poussière, de toute chiure de mouche sur les murs, bref, impeccable. Car Archibald - disait-on d'expérience suite à plusieurs courts séjours en ces lieux - était d'une rare maniaquerie.
La chambre, donc, était prête. Mais là n'était pas la question. P'tite Tête craignait que ses manières, qu'il n'avait pas très bonnes, fussent incompatibles avec celles d'un Archibald Simpson. Il ne se sentait pas non plus à la hauteur pour aider à servir les repas. Mais surtout, il ne saurait jamais comment accueillir le gentleman s'il débarquait, par exemple, dans l'instant... sans parler qu'il ne comprenait pas un mot d'anglais!
Pour passer le temps en attendant que quelqu'un revienne le délivrer de sa légitime appréhension, il allait et venait dans le salon, traînant les pieds sur les patins de feutre, histoire de faire davantage briller le parquet pour complaire à la Duchesse, laquelle mettait un point d'honneur à pouvoir faire admirer au public les planchers les plus lustrés de tout l'arrondissement. A ces fins, d'ailleurs, la gente ancillaire de la maison était instamment priée de ne poser les pieds, du moins au salon et dans le bureau de Monsieur le Duc, que sur les patins intentionnellement déposés à l'entrée des deux pièces. Les autres âmes de l'endroit en étaient, elles, dispensées. P'tite Tête s'activait donc dans un frénétique jerk, style "sixties", à frotter de ses pieds le sol déjà resplendissant quand soudain un strident coup de sonnette le figea, bras à l'équerre, devant le manteau de la cheminée. Un coup d'oeil au miroir du trumeau lui confirma que son visage était instantanément devenu blafard, avec quelque reflet verdâtre. Pour sûr, c'était l'Anglais...
P'tite Tête se dirigea au radar, d'un pas accablé, vers l'huis principal. Un second coup de sonnette, aussi impératif mais, lui sembla-t-il, un tantinet plus narquois, l'invitait à se patiner. En pressant l'allure, il s'embrouilla dans la serrure de la porte ultra blindée dont il essayait d'ouvrir les deux battants en même temps pour le cérémonial. Enfin, lorsqu'il parvint à assurer l'accès de la demeure à l'hôte attendu, il vit passer alertement devant lui un homme assez jeune, valise à la main, qui le salua d'un "hello!" plutôt joyeux. L'Anglais avait l'air sympathique... Grand, athlétique, le cheveu vaguement blond, foisonnant mais maîtrisé par une coupe classique, une tête allongée et un menton pointu, le tout monté sur un coup de taureau, cet Anglais, se disait P'tite Tête, avait sûrement bien l'air d'un Anglais, de ceux qu'il avait vus dans une équipe de rugby. Et cela ne résolvait certes pas le problème de la langue. Il y avait de quoi se sentir à l'aise comme un poisson sur un tas de ferraille.
P'tite Tête se fit tout affable pour susurrer qu'il n'y avait personne, que si Monsieur voulait bien prendre, ou tout au moins se donner la peine, que, en un mot, s'il voulait bien le suivre, il pourrait peut-être le guider jusqu'à sa chambre... L'Anglais partit d'un "OK" qui sonnait tout ce qu'il y a de plus américain et qu'il fit suivre d'un rire communicatif.
Lorsque P'tite Tête referma la porte derrière l'homme qui déjà avait balancé d'un geste négligent d'habitué, son bagage sur le lit, il poussa un "ouf" bien mérité. Dans le fond, ce n'était pas si difficile! Il s'était mis à la portée des circonstances et l'Anglais n'était pas si tâtonnant que ça. "Vraiment, quelle idée de s'inquiéter pour rien! Et c'est toujours comme ça! Quel âne battu je fais!" se disait P'tite Tête par devers soi en descendant allégrement l'escalier.
* * *
Texte lu par l'auteure
Chapitre 17
Circonstances défavorables
P'tite Tête se dirigea droit vers la cuisine où il s'installa aussi confortablement que l'endroit pût le permettre, assis les pieds sur une chaise, la tête renversée, une canette de bière dans une main et une cigarette dans l'autre. Il savourait la douceur des choses, percevant - mais à peine - une certaine agitation à l'étage. Les bruits dénotaient que le nouveau venu commençait à prendre une douche dans la salle d'eau attenante à la chambre où il avait emménagé.
Comptant que, pour quelqu'un d'aussi méticuleux que l'Anglais, ces ablutions devaient bien durer un quart d'heure, P'tite Tête jugea qu'il avait le temps d'aller faire pisser le chien dans la cour. Cette obligation, au reste, était de mieux en mieux orchestrée grâce à la vive intelligence du clébard et au sens pratique d'Elodie qui avait aidé au dressage de l'animal. Après deux essais seulement, Le Clodo avait marché dans la manœuvre. Celle-ci consistait à siffler le chien du bas de l'escalier de service. D'un coup d'antérieur bien placé, ce dernier ouvrait la porte restée contre et dévalait l'étage pour rejoindre son maître. Après avoir satisfait ses besoins et s'être dégourdi les pattes, il remontait tout seul. On n'était pas encore arrivé à lui faire refermer la porte...
Pour l'heure, Le Clodo s'ébrouait bruyamment, arrosé à l'occasion par le jet que P'tite Tête passait abondamment sur le sol de la cour qui avait fini par empester de façon fort suspecte. A peine le robinet d'eau fut-il coupé qu'on entendit très nettement la grande porte se refermer sur le duc qui n'était pas seul.
"- Entrez! Entrez! Cher ami!" clama-t-il comme si l'interlocuteur était sourd comme un pot. Nous vous avons fait préparer la chambre qui donne au Sud.
- Aoh! répondit une voix mâle. Joyeuse bonne idée! Comme c'est gentil de vous! C'est la pièce du dernière fois, n'est-il pas?"
P'tite Tête, planté au milieu de la cour luisante de flaques, se sentit virer au rubicond. Il avait bel et bien cru discerner une légère mais réelle intonation britannique dans la façon qu'avait l'hôte de déclarer les choses. Alors, si c'était lui, le Simpson - et le souvenir lui revint, mais trop tard, que le Duc se proposait lui-même de l'aller quérir à l'aéroport - qui était donc l'autre? Celui qu'il avait installé dans la chambre de Simpson et qui prenait sa douche dans la salle de bains de Simpson... Si P'tite Tête avait fait une pareille bourde, il n'avait qu'à bien numéroter ses abattis! Le Clodo, tout penaud car il avait d'instinct senti qu'on n'avait plus le vent en croupe, fila dans l'escalier sans demander si son compte était bon.
A l'intérieur, le duc commençait, conjointement à son visiteur, l'ascension vers la chambre promise lorsque P'tite Tête vit avec un soulagement provisoire que Madame la Duchesse et Elodie venaient de faire leur entrée. Les congratulations devaient laisser quelques instants de répit avant la découverte de l'anomalie.
Tandis que le véritable Anglais saluait, remerciait, s'extasiait, le malencontreux valet, longeant les murs, trouva le moyen de se glisser dans la cuisine où, pensait-il, il serait plus près de la sortie s'il était chassé à coup de balai par le maître impétueux devenu furax. Son principal objectif, à cet instant crucial, était de disparaître comme un cafard dans une latte de bois.
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Texte lu par l'auteure
Chapitre 18
Circonstances aggravantes
La petite troupe, Fulbert de Grospoix en première ligne, se retrouva cahin-caha au milieu de l'envolée des marches. Tout à coup, le duc, gonflant son court et large poitrail de l'air pollué de la capitale, poussa un appel tonitruant à l'attention de P'tite Tête. Il fallait qu'il vînt séance tenante débarrasser l'invité de son léger bagage. P'tite Tête s'exécuta. On reprit la montée, laquelle devait fatalement aboutir au couloir du premier puis à la pièce occupée par l'intrus qui, pour l'instant, ne se manifestait pas.
Le duc offrit à son hôte distingué son plus généreux sourire en ouvrant fièrement pour lui la porte de sa future chambre, sourire qui se mua aussitôt en un rictus effroyable. Le spectacle était en effet édifiant: la vaste pièce était jonchée de vêtements; des fleurs roses et blanches, venues par la fenêtre grande ouverte des arbres arrivés en fin de saison florale, tournoyaient dans l'air empoisonné par de nauséabonds relents de cigarillo mal éteint; la table et les fauteuils étaient couverts d'ustensiles probablement indispensables à leur propriétaire: flacon débouché, accessoires complets de rasage et de toilettage, livres et revues à couverture pornographique avec ça et là des bouquets de kleenex usagés. P'tite Tête n'osait même pas envisager l'état de la salle de bains par laquelle le mécréant était passé...
Dans ce capharnaüm, on entendit se dégager ce que P'tite Tête perçut comme des sifflements de cocotte-minute venant du fond de la pièce où le déplorable individu, vautré chaussures aux pieds sur le lit style Napoléon de l'époque, dormait comme une marmite.
La duchesse poussa un cri suraigu qui invita le dormeur à soulever mollement une paupière de batracien: "C'est affreux! J'avais complètement oublié ce pauvre cousin Guy!"
Elle tenta ensuite d'expliquer à un Archibald visiblement offensé que ce pauvre Guy, son cousin, lui avait écrit qu'il passerait un jour ou deux, un de ces jours... La missive, dans le souvenir de la dame, n'était pas autrement claire et elle avait, c'est horrible n'est-ce pas, omis de répondre.
Personne ne s'enquit de la façon dont le fameux Guy avait atterri céans et des conciliabules entre les deux époux définirent qu'il ne pourrait aller que dans la seule chambre restée libre, une petite piaule à côté de celle de P'tite Tête, ce qui n'arrangeait pas forcément les affaires dudit en raison des allées et venues canines qui finiraient bien par passer... aperçues!
* * *
Pour l'exercice... de style (qui consiste à repérer, à partir d'indices, les petites anomalies de langage de l'extrait), c'est ICI !
Pour les mots difficiles de l'extrait, expliqués, c'est ICI !